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Bulle de mots le blog de bibun

Le porteur du phénix de jade

25 Avril 2015, 09:28am

Publié par bibun

Le porteur du phénix de jade

Il y a de cela fort longtemps dans le japon médiéval vivait un tout jeune artisan sculpteur, extrêmement talentueux de ses mains, qui parvenait à reproduire à la perfection ce qu'il pouvait observer, donnant l'impression à ses sculptures de posséder une âme propre. Il parvint à se faire un nom aux quatre coins du globe, où les plus grands de ce monde voulurent s'allouer ses services pour la construction de leur palais ou pour ériger leur statue. Il apprécia que son talent soit reconnu par le plus grand nombre, ce qui mit ce modeste sculpteur ainsi que les siens à l'abri du besoin. Pourtant toute cette notoriété ne contribua pas à son bonheur, bien au contraire, il perdit peu à peu toute cette étincelle de passion qui parvenait à s'exprimer au travers de ses mains. Petit à petit il perdit goût dans son art, avec le sentiment d'avoir perdu tout ce en quoi il croyait, le partage. Parce que ses sculptures ne devaient appartenir à personne, qu'elles puissent seulement être admirées par tous et que chacun puisse s'imaginer sa propre histoire. Au fil du temps, plus rien ne réussissait à se façonner de ses mains, toute inspiration sembla s'être évanouie et chaque soir, dans le silence de la nuit, il déversait toutes les larmes de sa peine incommensurable de s'être égaré sur le chemin de la notoriété, en perdant au fur et à mesure toute son inspiration ainsi que son imagination.
Un matin, il prit la décision brutale de quitter ses parents et sa famille pour retrouver l'essence de ce qui avait pu se perdre, mais surtout se retrouver lui-même. Une première question lui fut posée, que vas-tu faire ? A cela, il répondit : "Je vais chercher l'incroyable, le phénix, l'oiseau de feu légendaire pour lui façonner sa plus belle image".
Unanimement il se rétorqua : "Tu cours après une chimère. Comme tu le dis si bien, le phénix n'est qu'une légende".
Il ne put exister qu'une seule réponse : "Derrière toute légende, il y a une part de vérité. Chercher le phénix, c'est l'espoir. Le jour où je m'en reviendrais avec son image ciselée sur la plus belle des jades, ça apportera aussi de l'espoir et protègera la lumière de son porteur."
Alors il ne put se prononcer que des encouragements, même si pour la plupart, cela sonnait comme un adieu. Mais il faut parfois se perdre dans le désert pour trouver les réponses à ses propres quêtes.

Le jeune sculpteur partit alors sur les traces du phénix, il parcourut bien des mers, des océans, des terres, des villages isolés, des peuples éloignés avec à chaque fois à l'esprit cette légende qui lui fut maintes fois comptée quand il était encore un tout jeune enfant. Il n'y eut pas un endroit sur terre où il n'eut pas un écho de cette légende, des descendants d'un aïeul qui l'eut aperçu tout en haut de la cime d'une montagne, embrasant le ciel. Cet oiseau de feu solitaire, noble, sacré et éternel pour tous, se cachant au regard de tous, certainement qu'il sait parfaitement lire dans le coeur des hommes, qu'il préféra s'en éloigner, car si longue est l'histoire des nombreuses guerres menées par la colère de l'humanité. A force d'échange, de partage et de persévérances, chacun des récits lui apprirent à connaître un peu plus sa légende, que tous les cinq cents ans, il pouvait renaître de ses propres cendres et ainsi vivre éternellement. Personne n'était capable d'en expliquer la raison, pour quelle raison s'évertuer à brûler pour les nuits des temps... peut-être attendre à son tour l'incroyable. A chaque fois, il s'isola sur l'une des plus hautes montagnes du monde pour se fabriquer un nid. Il se place au centre, ses plumes prennent feu qui finissent par embraser entièrement son nid. Durant trois jours et trois nuits, sa combustion totale ne laisse place qu'à un amas de cendres incandescentes. Au milieu de cette pluie de cendrailles quand le vent balaye les cimes, un nouveau phénix alors en jaillit.

Il entendit cette même histoire au pied des plus grandes montagnes, l'Aconcagua, le Mont McKinley, le Kilimandjaro, l'Elbrouz, le Massif Vinson, le Puncak Jaya ainsi que le Mont Kosciuszko. Puis il se dirigea jusqu'à l'Everest, où il n'eut vent d'aucun récit sur ce légendaire oiseau de feu. Alors ce sculpteur que les saisons vieillirent décida d'y grimper, car peut-être verrait-il de son vivant, celui qui était devenu sa raison d'être, retrouver tout ce qu'il avait pu délaisser, l'incroyable. Il grimpa, sans se poser plus de question, car il savait que d'escalader cette haute montagne serait probablement son dernier grand voyage. Il se laissa pousser par l'espoir, ce en quoi il croyait et même s'il ne le pouvait l'apercevoir avant que son heure ne soit venue, il aurait au moins eu le mérite de tout son restant de vie d'avoir ranimé et entretenue cette très vieille légende de l'oiseau de feu millénaire, afin qu'elle ne meurt pas à son tour. Bien des lunes plus tard, il parvint à se hisser jusqu'à son sommet, épuisé, affamé, frigorifié, mais le soulagement, d'apercevoir au loin, sur la cime, cet immense nid, certes vide, néanmoins, la satisfaction d'avoir accompli la plus grande quête de son existence. Le sculpteur s'assit et s'immobilisa en tailleur à bonne distance et patienta. Il attendit, patiemment, presque indéfiniment, oubliant le nombre de saisons qui s'écoulèrent. Il resta figé si longtemps sans même boire ni manger, donnant l'impression de fusionner avec le décor, appartenant dorénavant à ce lieu. Il ne s'étonna même plus d'être encore vivant, de ne s'être plus sustenté. Puis une nuit parmi tant d'autres, une illumination déchira le ciel et le phénix lui apparut. Il se déposa les ailes déployées au centre de son nid. Ils firent face à face, un modeste sculpteur et cet oiseau de feu majestueux. Leur regard se croisa, il y eut un puissant cri, puis le nid s'embrasa, comme une puissante lumière de phare, où les flammes montaient si haut qu'elles donnaient l'impression de caresser le ciel.

Durant trois jours et trois nuit, ce feu ne semblait pas vouloir s'épuiser. Au bout de la dernière nuit, il ne resta qu'un amas de cendres rougeoyantes et c'est alors que cette fumée, naquit un nouveau phénix, plus luminescent qu'auparavant. Il déploya une nouvelle fois ces ailes, battit l'air, se souleva et disparut au-delà du ciel, qui s'embrasa avant de redevenir sombre, laissant apparaître toutes les constellations célestes. A ce moment là, le sculpteur devina qu'il ne reverrait plus son oiseau légendaire, il sortit de son petit sac, sa pierre de jade ainsi que son petit marteau, puis il sculpta, comme il pouvait le faire jadis, où ses mains ne perdirent rien de leur dextérité, bien au contraire. Plusieurs jours plus tard, un splendide phénix fut gravée dans sa pierre dans laquelle il mit toute sa passion ainsi que ses émotions. Il l'entoura d'une cordelette pour le porter autour de son cou, où il ressentit une énergie incroyable se propager dans tout son corps. A l'endroit où il aurait dû mourir, affamé et fatigué, le phénix lui accorda la renaissance de repartir dans le monde afin de perpétuer sa légende.

Parce que le phénix est solitaire et indomptable, son pouvoir ne peut être offert qu'une seule fois à son porteur. A son tour, il devra le transmettre à quelqu'un d'autre, afin que se perpétue sa légende au-delà du temps. Personne ne sut ce qu'il advint de ce modeste sculpteur, mais tout ce qu'on retiendra de l'histoire, c'est que le pendentif du phénix a su traverser les époques et qu'il a été porté par de nombreux porteurs, qui ont contribué à respecter sa légende, transmis de main en main et continuera encore je l'espère à ce que dans le futur, le phénix puisse éternellement exister, car il ne peut qu'accompagner et être possédé seulement qu'un temps...

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